Gilles VADEL
Le chant de la matière
Soumis aux modes culturelles, les médias privilégient volontiers les formes d’art dites avant-gardistes. On voudrait cependant que la télé fût plus mesurée, moins triomphaliste dans ses affirmations. L’abstrait n’est pas la Vérité avec majuscule, et c’est abuser le public que de le prétendre. Picasso n’est pas Einstein, César non plus, pour la bonne raison, trop souvent ignorée, qu’il n’y a pas de progrès en art. C’est le grand mérite de Gilles Vadel dont la galerie Zeller, place du Foirail, présente un choix de sculptures, que d’en être persuadé, que d’obéir, non à des théories, passagères par définition, mais à sa sensibilité dans ce que celle-ci offre d’unique et d’irremplaçable, et ce, quelles que soient les influences inévitablement subies.
S’il est parfois tenté par l’informel, son amour de la nature le tient éloigné de toute déshumanisation, sans qu’il verse jamais pour cela dans un quelconque académisme. Entre l’intransigeance des uns (qui ne connaissent d’autre Dieu que la forme pure) et le naturalisme anecdotique des autres, il y a place. Gilles Vadel le prouve par des oeuvres tout simplement vivantes. Maniéristes, porteuses d’une féconde inquiétude, les sculptures de Vadel, parce qu’elles restent le plus souvent figuratives, parlent au public, ravi de se trouver de se trouver en pays de connaissance tout en suscitant l’intérêt du connaisseur par leur riche teneur en symboles, par l’intense et curieux dramatisme dont elles sont animées, incontestablement originales, elles témoignent à la fois d’un respect intelligent de la tradition. Dans «Figures du Baroque», Germain Bazin note à juste raison qu’avant la grande rupture survenue à notre époque, l’évolution chez les créateurs, s’associaient toujours à une démarche involutive. En d’autres termes, ils prenaient appui sur les réalisations antérieures avant de gagner des terres inconnues. Retrouver chez Gilles Vadel une démarche semblable, est pour le visiteur, une heureuse surprise, un réel bonheur visuel dont les amateurs d’authenticité auraient tort de se priver.
Du verre au marbre, Vadel sait en effet tirer des effets si expressifs (à la frontière parfois de l’expressionnisme) qu’on oserait les dire musicaux. Alliée à l’esprit, la matière fait ici entendre un chant devenu très rare, la sculpture contemporaine étant si souvent le synonyme d’une austérité iconoclaste.
David Matta